Café-philo du 10 Mai 2016
Comment peut-on s’accommoder de l’ignorance ?
Exploration.
Celui qui parle ne sait pas.
Celui qui sait ne parle pas.
Platon : « je sais que je ne sais rien. Mais cela me rend plus sage que les autres, car les autres ne savent même pas qu’ils ne savent pas ». L’ignorance peut protéger. Privilégier l’ignorance, c’est souvent se satisfaire de préjugés, éviter le travail de jugement. C’est la loi du moindre effort. Tout connaître est impossible : il faut se satisfaire de son ignorance pour ne pas devenir fou. Mais il est difficile de reconnaître son ignorance et on entend très rarement dire :
« je ne sais pas ». Lorsqu’on est conscient de ce que l’on ignore, cela peut devenir paralysant. La connaissance demande un travail, un effort. Le champ des connaissances à acquérir est énorme.
Cela pose la question du choix.
Est-ce que la connaissance, c’est une accumulation de faits et d’informations ? Ou plutôt un échange perpétuel, interactif avec les autres ?
Nous ne sommes pas des « self made men » : il y a des savoirs partagés qui se transmettent. Il y a 2 grandes théories de la connaissance :
– L’idéalisme ( les idées innées de Platon. Descartes )
– L’empirisme
Pour Kant, il faut les deux : l’expérience sans concept est aveugle, mais le concept sans expérience est vide. Une action efficace a un effet sur la réalité : cela implique une connaissance. Y a-t-il un devoir de connaissance, selon ce que l’on fait ? Il vaut mieux que le médecin ne soit pas ignorant en médecine.
Malheureusement l’ignorance est admise quand il s’agit de voter. Nul n’est censé ignorer la loi : il faudrait passer un examen pour être citoyen. La conscience est essentielle. La conviction, c’est la dose d’adhésion donnée à des connaissances. Les convictions trop fortes conduisent au dogmatisme.
« L’intime conviction » des jurés dans un procès d’assisses n’implique pas la certitude, mais ils se sont donné le temps de connaître tout ce que l’on pouvait connaître.
L’exactitude n’est pas la vérité.
Le savoir, c’est le maximum d’objectivité que la connaissance peut avoir à un moment donné. Ce n’est donc pas la vérité. La connaissance est toujours subjective, car d’un sujet. L’économie est la dernière des religions. Avec l’espérance « la croissance reviendra » comme vertu théologale…
Conclusion
Davantage de connaissance implique une plus grande conscience de l’ignorance. La connaissance amène de l’ignorance. Mais la connaissance porte sur un domaine et ignore tout d’un autre. Toute connaissance est aussi une somme d’ignorances. On est toujours entre une chose et une autre, entre connaissance et ignorance. Parfois nous nous accommodons de certaines ignorances, parfois on s’attache à apprendre certaines choses en sachant qu’on en ignore d’autres. La curiosité stimule l’acquisition de connaissances. On peut s’accommoder de l’ignorance pour des raisons morales, parce la connaissance nuirait au bonheur, pour éviter des perturbations. Mais l’ignorance peut être choisie par mauvaise foi, pour éviter la mauvaise conscience. Que sommes-nous tenus de savoir ?
L’électeur devrait lire les programmes des candidats. L’ignorance des électeurs est un problème pour la démocratie. L’ignorance de certains en arrange d’autres. Celui qui détient la connaissance a intérêt à ce que ce soit sa connaissance, pas celle des autres. La connaissance qu’on garde pour soi, c’est une ignorance qu’on impose à d’autres.
La transmission impose un paradoxe. Mais il y a des choses qui ne doivent pas être trop connues ( la fabrication de la bombe atomique ). L’information, ce sont les données. La connaissance c’est leur organisation par la pensée et l’expérience.
En connaissant certaines choses, nous mesurons nos ignorances. Certains s’accommodent bien de leurs ignorances, d’autres pas, qui cherchent à acquérir des connaissances jusqu’à leur mort. Nous ne nous accommodons jamais entièrement de toutes nos ignorances. Toute ignorance est un appel à la connaissance. Mais toute connaissance augmente la conscience de notre ignorance. On ne peut pas tout connaître et les choix que nous faisons d’acquérir telle ou telle connaissance sont liés à notre liberté, à ce que nous faisons de notre existence.