Exploration :
A l’origine de la question, les discussions sur le travail à propos du revenu universel. Daniel Ramirez précise que la question du revenu universel fait l’objet de travaux universitaires depuis 30 ans, mais rappelle que nous aurons un débat philosophique et non politique.
L’homme serait-il fait ? Par qui ? Par quoi ? L’homme a la capacité de chanter, mais pour autant peut-on dire qu’il est fait pour chanter ?
Qu’est-ce que le travail ?
Il faut différencier travail et activité. Certains animaux s’activent pour trouver des proies, les hommes s’activent pour reproduire l’espèce …mais ce n’est pas du travail. Le mot travail, vient de tripalium et renvoie à la torture. Le tripalium correspond à un effort pénible, c’était le lot des esclaves, les hommes libres n’étaient pas contraints à cela. Il faut également différencier travail et exercice : les sportifs, les artistes tels que les pianistes s’exercent. L’apprentissage et l’enseignement sont également à différencier du travail. On parle beaucoup de souffrance au travail. Est-ce que la souffrance – ou son absence – ne dépendent pas de la relation que l’homme a avec le travail :
– Bagnard
– Pour gagner sa vie
– Quête de sens
Même un travail qui a du sens peut ne pas être exempt de pénibilité ou de souffrance : Houellebecq était épuisé après la rédaction de « La possibilité d’une île » ( énorme travail de documentation ). Même sourd, Beethoven se démenait pour composer. La création n’est pas toujours indolore.
Il y a 3 grandes motivations pour travailler :
– puissance (promotions)
Pour Karl Marx l’homme se fait homme par le travail. Le travail est une activité transformatrice de la nature, projetée par l’intelligence de l’homme pour produire ce dont il a besoin. . L’homme humanise la nature, mais en l’humanisant, il se fait homme. Bien sûr, cela se réfère à l’artisanat, quand l’homme voyait la finalité de son travail et en touchait la rémunération. Marx dénonçait le travail salarié. Hegel parlait d’aliénation, car le travailleur salarié est dépossédé du choix et de la plus-value. L’homme se fait par le travail artisanal, mais il se défait par le travail aliéné. La division du travail, sa mécanisation interdisent que l’homme s’humanise. L’homme ne peut pas être remplacé par une machine en tant qu’homme, mais il peut être remplacé par une machine pour une tâche, en tant que technicien de surface par exemple. Il y a une antinomie entre avoir du temps libre et l’hyperconsommation à laquelle nous sommes invités. Depuis 1968 nous sommes les dindons de la farce, on a favorisé l’avoir sur l’être. Pourquoi faudrait-il travailler pour assurer plus que la survie ? Le Revenu Universel permettrait de reconnaître l’activité non rémunérée. Cela implique un changement des mentalités, cela élargit toutes les possibilités de rôles sociaux. Aujourd’hui, l’organisation du travail est telle que la vie est découpée en 3 morceaux : apprentissage – travail – retraite. Il y aurait beaucoup plus de fluidité. Il y a aussi beaucoup de ruptures de liens familiaux, sociaux. Le temps libre permettrait de s’occuper de sa famille, de son quartier… C’est une mutation anthropologique à envisager. L’homme est fait pour rechercher son épanouissement.
Synthèse et conclusion
L’homme est-il fait pour le travail ? Il n’est pas fait, il se fait par le travail. Il y a un lien intime entre le travail et l’homme. Toutes les sociétés ont fourni du travail. Qu’est-ce que le travail ? Il y a toutes sortes d’activités. Le travail est différent de l’apprentissage et du travail créatif, bien qu’il y ait un rapport quand il est rémunéré. Il faut cultiver les talents : quand on a des dons, il ne faut pas seulement les conserver, il faut les faire fructifier. Pour les chrétiens l’oisiveté est la mère de tous les vices, d’où les oeuvres pour les catholiques, les efforts pour les protestants. Le travail salarié n’est plus source d’humanisation. Il est répétitif, le fruit en revient à d’autres. Le travail devient le lieu de l’aliénation, c’est le tripalium. Est-ce que si on peut choisir son type de travail, on est protégé contre l’aliénation ? Le travail rémunéré devient rare. Il faut beaucoup travailler pour beaucoup consommer, ce qui est différent d’avoir. L’avoir, c’est la propriété privée. Le temps de l’avoir est déjà fini. Aujourd’hui on est dans le temps de la consommation : prendre et jeter tout de suite. Il y a une injonction à participer à l’obsession de la valeur ajoutée, ce qui oblige à beaucoup travailler. Aujourd’hui, il serait possible de ne pas travailler : c’est compatible avec les évolutions technologiques qui ont fait diminuer le nombre d’heures travaillées nécessaires pour produire.
Il y une augmentation incroyable des capacités productrices. Ou vont les gains de productivité ? L’injonction religieuse est devenue une injonction névrotique de la société actuelle. Toute proposition qui délie le travail et l’homme est mal vue. Comment feraient certains pour bâtir des fortunes gigantesques ? L’homme se défait. L’homo faber est devenu Homo economicus, défini par les besoins financiers, par les gains. C’est un des gros problèmes de l’anthropologie actuelle. L’homme est fait pour travailler dur pour que d’autres s’enrichissent. L’homme n’est pas fait pour produire autant qu’aujourd’hui, ni pour produire des choses futiles. Les travaux les plus pénibles sont les plus mal payés : c’est le retour de l’esclavage. L’homme n’est pas fait pour le travail. Mais on a fait de l’homme un être fait pour le travail aliéné.